Juste en aparté : putain de saloperie de merde d'Over-blog !!!! (oui oui ils peuvent le lire ! j'en ai MARRE que ça déconne ! je venais de faire un super long article bien et tout, alors que je manque de temps, et quand je clique sur "enregistrer en brouillon", il flingue l'ensemble et n'enregistre que 4 lignes prises au pif en plein milieu de l'article !!!!! grrrrr ! Et évidemment, c'est LA fois où, allez savoir pourquoi, le CtrlC, n'a pas fonctionné, sans se signaler ! re-grrr)
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Lire ce livre de Jean-Louis Fournier, c'est un peu comme ouvrir un journal : on prend des nouvelles. Là, elles ne sont pas très réjouissantes, sa femme, Sylvie Durepaire-Fournier, est morte. Alors il lui écrit une dernière fois, pour être près d'elle... Il faut bien avouer que son humour grinçant en a pris un coup, mais on bascule d'autant plus dans la tendresse à sa façon, un peu bourrue, à laquelle on est habitués maintenant, mâtinée ici d'une douleur comme je n'en avais jamais lue chez lui...
Un joli livre, parfois un peu ennuyeux (mais là je sais que ça tient aussi à moi, je fais un blocage sur tout ce qui larmoie, même discrètement même quand c'est justifié, et sur tout ce qui essaie de ralentir ou stopper le temps, alors là ça cumule), pas indispensable ni éternel mais sincère, touchant et spontané, pudique, à vif. Typiquement Jean-Louis Fournier.
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Feuilletons ensemble quelques extraits...
incipit : Je suis veuf, Sylvie est morte le 12 novembre.
page 17 : Si je dis que je vais bien, ce n'est pas vrai ; si je dis que je vais mal, ce n'est pas vrai non plus. Je vais.
page 20 : C'est étrange, les gens n'osent pas parler de bonheur à celui qui vient d'avoir un grand malheur.
Je ne comprends pas. C'est justement quand on a eu un grand malheur qu'on a besoin de voeux de bonheur, ceux qui sont déjà heureux n'en ont pas besoin.
page 40 : Les vivants ne sont qu'à un endroit à la fois, les morts sont partout.
page 43 : J'ai été amputé de toi sasn anesthésie.
page 44 : J'ai été te voir au colombarium, c'est gai comme un parking. Ta case est au numéro 97 TR 2010, on dirait un numéro d'immatriculation de voiture.
page 55 : Il se prenait pour un monstre. Qu'il arrête de se vanter, il est seulement un être humain.
page 58 : Depuis que tu es partie, j'ai pu compter jusqu'à sept millions neuf cent quarante-huit mille huit cents. Tu as eu le temps d'aller te cacher loin.
page 65 : Ca ne m'amuse pas follement de mourir seul. Qui va me tenir la main ? Qui va me rassurer ?
page 71 : Maintenant, tous les matins, je me réveille seul. Je ne me souviens plus tout de suite de la triste nouvelle, comme si tu remourais tous les matins. "Remourir" est un verbe qui, heureusement, n'existe pas, je l'ai inventé, ça veut dire mourir à nouveau. On dit bien "revivre".
page 72 : Tu n'a pas téléphoné ce mois-ci. Madame SFR a une bonne nouvelle : tu as droit à un report d'une heure. Le mois prochain tu disposeras au total de deux heures.
page 82 : J'ai l'impression qu'on prend des photos des gens pour avoir des souvenirs d'eux, pour ne pas les perdre entièrement quand ils disparaîtront. J'ai l'impression que ça porte malheur de prendre une photo de quelqu'un.
page 92 : Tu as gagné, tu es la première. Maintenant tu sais où on va.
page 108 : Pour Madame SFR, une cliente ce n'est pas un être humain, elle ne peut pas mourir. C'est un numéro de compte où on prélève. [...]
Quand on rentre dans un listing, on devient éternel, on ne meurt plus. C'est un vaccin contre la mort.
page 112 : Je vais de nouveau avoir droit à des regards tristes et à des bons courages qui découragent.
page 117 : Ta place était vide, mais on a beaucoup parlé de toi...
Yves m'a dit que tu avais été là pendant le déjeuner. J'ai pensé à Mozart, le silence qui suit la fin de sa musique, c'est encore du Mozart.
page 120 : Je ne regarde plus les châteaux à vendre, je n'ai plus envie de château, j'ai perdu ma reine. Je suis un vieux roi qui s'emmerde.
page 125 : Triste loi des séries : hier, j'ai perdu mes lunettes.
page 129 : On a tendance, après un grand malheur, à penser qu'avant, c'était toujours bien. Ce n'était pas toujours bien, c'était mieux.
page 131 : On ne doit jamais avoir honte d'être heureux, mais plutôt être fier, c'est tellement difficile.
page 157 : Je suis comme le personnage comique qui tente de retirer un morceau de scotch de son doigt et le colle à son autre doigt, cela indéfiniment, le sketch dure longtemps. Tu es bien plus collante morte que vivante.
page 157 : Les choses qui sont belles ne sont jamais entièrement tristes.
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Veuf, Jean-Louis Fournier, octobre 2011, 157 pages