L'histoire
: le narrateur et sa compagne Ema, jusque là citadins, s'installent dans une maison à la campagne, au fond du jardind e laquelle coule une rivière. Cette maison, le narrateur y a vécu enfant, à
un âge dont il n'a pas de souvenir ou si peu... Il a besoin de revivre sereinement, de se poser, de savourer la vie, de dénicher les émotions de l'enfant qu'il était, émotions qui sont restées
là, dans cette maison... Par très courtes touches très sensorielles, nous allons partager un moment de sa vie...
Mon avis : lent, délicat, sans cesse sur le souffle de phrases très courtes, suspendu comme une toile d'araignée sous la rosée, à l'apparence si
fragile, ce livre se savoure comme le narrateur savoure sa nouvelle vie qu'il sait si bien nous faire partager sans tout à fait la dévoiler, sans vraiment la raconter, et surtout sans s'alourdir
de circonvolutions psychologiques lourdasses et inutiles. Un plaisir délicat, dont profiter tout de suite, sur lequel j'ai eu envie, à plusieurs reprises, de revenir en arrière, prendre une page
au hasard, la relire, sentir la nature, l'effleurement d'une émotion. Un très joli tout petit livre !
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Feuilletons ensemble quelques extraits...
incipit : Ici ça va. La maison n'est pas toute neuve mais elle est propre et les plafonds sont hauts.
page 37 : Nous sommes particulièrement complices en ce moment. Nous en étions presque réduits à devenir des voisins avec ses horaires compliqués, ses cours de peinture le soir. Mon travail de la
journée. Je passais plus de temps avec la télévision qu'avec elle. Quand elle arrivait, j'étais déjà fermé, vide. Je n'avais rien à partager. Ici, nous pouvons ne pas échanger un seul mot de
toute l'après-midi, et pourtant nous partageons.
page 47 : Les vrais ignorants ignorent leur ignorance. C'est un peu comme voir le paysage par une petite, petite, toute petite fenêtre. Et finir par croire que ce paysage se limite à ce qu'on
perçoit par cette petite, petite, toute petite fenêtre. Au lieu d'essayer d'élargir la fenêtre. De casser les murs.
page 53 : Ca faisait un moment que nous n'écoutions plus les infos. Je n'ai pas réussi à aller jusqu'au bout. J'ai eu l'impression d'être sosu les dents d'un vampire. De me vider inexorablement
de mes forces.
page 54 : Je me méfie. J'ai toujours peur que ça ne dure pas. Dès qu'il y a un moment de bonheur, de paix, je me répète que ça ne durera pas. Que le temps est un menteur. Qu'avoir quelque chose
c'est commencer à le perdre.
page 57 : Tous les enfants ont droit à une certaine dose de merveilleux.
page 66 : Tout à l'heure je suis allée à la pharmacie du village. Les enfants sortaient de l'école. Leurs cris remplissaient tout l'espace. Tout le ciel. Devant moi une petite fille racontait
l'histoire d'un lapin à lunette qui ne veut pas aller se coucher. Je ne suis pas entré dans la pharmacie. Je les ai suivis tranquillement jusqu'à la fin de l'histoire. Du cou pje me suis retrouvé
à la boulangerie.
page 107 : Et cette petite fille ressemble à un orage dans une boîte à musique.
page 108 : En rentrant je me suis dit que ça serait beau de pouvoir se prêter des souvenirs.
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j'ai appris...
page 104 : épamprer (Bientôt je retournerai avec le vieux pour épamprer la vigne)
débarrasser une vigne des pampres, des feuilles inutiles qui nuisent au développement des fruits (source :
le-dictionnaire.com)
page 126 : ripisylve (Une immense barrière ripisylve nous séparait des flots)
ensemble des formations boisées, buissonnantes et
herbacées présentes sur les rives d'un cours d'eau (source : wikipedia)
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Ici ça va, Thomas Vinau, 2012, 136 pages