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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 09:45

livre_2013_04_vallet_mystere-tapisserie-inachevee.jpgL'histoire : ou plutôt, les trois histoires. D'abord, un gardien de vache naïf et bourru qui trouve un cadavre qu'il pense être celui de sa patronne, qui l'a recueuilli enfant et l'exploite depuis, mais le trouve en même temps qu'un maître chanteur qui vit dans un vieux blockhaus. Ensuite, la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant entre 1064 et 1066, ses coulisses puis ses suites. Enfin, les recherches historiques d'un instituteur un brin coincé et d'un comte dégénéré, physiquement flippant, qui empaille tout ce qu'il trouve... Ces trois histoires qui se trouveront bientôt imbriquées les unes aux autres et y trouveront leur dénouement.

 

Mon avis : un chouette livre avec une bonne intrigue et une géniale galerie de portraits !

Au début, après un chapitre ou deux, j'ai bien cru que je n'allais pas le lire. Les personnages sont criants de vérité : majoritairement bêtes, méchants et intéressés ou minoritairement gentils et méfiants comme les gens d'ici, je n'étais pas certaine d'avoir envie de les cotoyer aussi dans mes lectures. Pourtant, j'avais volontairement choisi ce livre qui se passe dans le Bessin, et parle entre autre de cette tapisserie que j'adore... Finalement, je l'ai terminé et je ne regrette vraiment pas tant je me suis complètement laissée prendre par l'histoire. Et puis quel bonheur de retrouver toute l'aventure de Guillaume à Hastings (ce que raconte la tapisserie que je voyais comme se dérouler devant moi en lisant). Le côté policier tient la route, j'ai trouvé le dénouement formidable, même si son récit m'a paru un peu trop rapide. L'ambiance du Bessin y est très bien décrite, j'aurais presque senti l'humidité permanente qui imprègne tout... En bref, un excellent livre, à dévorer même quand on n'habite pas le Bessin et qu'on n'est pas amoureux de la Tapisserie de Bayeux !

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

incipit : "Allez presse Kinoise ou la Yolande va encore m'engueuler !"

 

page 13 : Le ccrépuscule et la pluie rendaient l'horizon de plus en plus incertain. A chaque éclair, les silhouettes des arbres dessinaient l'épouvante. Le froid s'exhalait du sol en vapeurs laiteuses estompant au loin les contours de la ferme. Bientôt on n'y verrait plus rien. Lulu adorait ça ! La nature devenait son alliée, étouffant les bruits en les imprégnant d'une entité humide, dissimulant les collets qu'il tendait çà et là. Kinoise dodelinait de la tête comme saoulée des parfums de la pluie, seul le bruit des sabots dans les flaques soulignait la réalité.

 

page 104 : La Deuxième Guerre Mondiale fait partie des gênes normands comme pour d'autres, une malformation. Les cimetières militaires sont autant de balises dans ce département martyr qui partent toutes des pontons d'Arromanches. Les musées de guerre, d'épaves, le Mémorial de Caen, martèlent s'il en est encore besoin que cette terre avait, il y a peu, été labourée par toutes les nations du monde en conclusion de la folie hitlérienne.

 

page 111 : Il adore ces heures où tout dort encore et où l'imbécilité de ses congénères est enfouie avec eux sous leur couette.

 

page 146 : Cette nuit comme toutes les nuits je n'ai rien remarqué parce que vous savez je prends des somnifères depuis cinquante ans.

C'est le Débarquement qui m'aurait fait comme un choc, que m'a dit le docteur, notez y'a pas qu'à moi, à Hitler aussi !

 

page 181 : Les feux de l'actualité embrasaient déjà d'autres scandales qui, accélérant le rythme hallucinant des éditions, élargiraient du même coup le sourire carnassier des actionnaires bien pensants.

 

page 187 : [...] Aline imaginait le sort de ces malheureux qui, il y a dix siècles, subissaient comme toujours la folie des puissants.

 

***

j'y ai appris le mot anglais Housecarle.

Une faute vue vers la fin (bien !! ça devient rare d'en croiser si peu), pas mal d'erreurs de ponctuation, mais rien de gênant pour la lecture.

***

Le Mystère de la Tapisserie inachevée, François Vallet, 2012, 194 pages

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28 mars 2013 4 28 /03 /mars /2013 07:04

livre_2013_03_paris_autobiographie-courgette.jpgL'histoire : Icare, surnommé Courgette, est chez lui avec sa mère qui, comme d'habitude, ne fait que regarder la télé et boire des bières. Et parfois lui crier et taper dessus sans raison. Aujourd'hui il s'ennuie, alors il va farfouiller dans les affaires de sa mère. Et là, surprise, il trouve un revolver ! Avec lequel il va tuer... avant de se retrouver en orphelinat, où se déroulera l'essentiel de cette histoire.

 

Mon avis : un livre très agréable. J'ai eu un peu de mal au tout début avec le style enfantin un peu trop caricatural (peut-être parce que je n'ai pas eu d'enfant écrivant ainsi, quel que soit leur âge...), puis je m'y suis faite, et j'ai trouvé l'histoire plaisante. On a, tout le temps, uniquement la vision de Courgette, qui est profondément gentil et ne s'embarrasse pas de jugements. Son récit est fait de telle manière qu'il laisse deviner les choses avec son regard naïf. L'histoire est jolie, comme on aimerait que soit la vraie vie, surtout pour les enfants qui ont un départ chaotique comme ceux qu'on croise ici, qui ont tous un passé déjà bien chargé, même si le regard de Courgette l'allège considérablement. Un tour de force d'écrivain d'avoir réussi à rendre léger et amusant ce qui est habituellement vu comme terrible et larmoyant. Et des personnages attachants et consistants. Vraiment une jolie histoire pour se faire du bien ! =^.^=

Merci à Pyrouette pour l'envie de lecture de ce livre. (je lis dans tes commentaires que quelqu'un juge Courgette "simplet", je m'insurge !!! Il ne l'est pas, bien au contraire, même s'il a la douce naïveté de certains enfants !)

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

incipit : Depuis tout petit, je veux tuer le ciel à cause de maman qui dit souvent :

- Le ciel, ma Courgette, c'est grand pour nous rappeler qu'on n'est pas grand chose dessous.

- La vie, ça ressemble en pire à tout ce gris du ciel avec ces saloperies de nuages qui pissent que du malheur.

- Tous les hommes ont la tête dans les nuages. Qu'ils y restent donc, comme ton abruti de père qui est parti faire le tour du monde avec une poule.

 

page 83 : Et je dis rien d'autre. J'attends. Il faut pas faire mal à Camille avec mes questions. Des fois ça fait mal les questions.

 

page 89 : L'église, c'est la maison du bon Dieu qui y est jamais.

Ca m'étonne pas, vu qu'il fait toujours mega froid dans sa maison. Le bon Dieu, Il est pas idiot, Il est bien au chaud dans les nuages avec le soleil qui Le chauffe au-dessus et Il se protège des gens qui ont toujours un truc à Lui demander.

 

page 116 : Et il  faut les regarder, ces adultes, jouer aux grandes personnes et faire plus de bêtises que nous, les enfants. C'est vrai qu'on est pas aussi sages que des images qui bougent jamais, mais bon, c'est pas les enfants qui cambriolent les maisons ou font sauter les gens avec des bombes ou tirent avec des carabines, à part moi, mais c'étiat juste un revolver et j'ai pas fait exprès.

 

page 164 : Des fois, les grandes personnes faudrait les secouer pour faire tomber l'enfant qui dort à l'intérieur.

 

page 193 : Les gens très âgés c'est pareil que les enfants à part l'âge et les dents qu'ils retirent le soir dans le verre à eau. 

Ils font autant de bêtises que nous et ils mangent aussi mal.

 

pages 224-225 : C'est pas parce qu'on demande rien qu'on sait tout.

[...]

Et les grandes personnes c'est pareil.

C'est plein de points d'interrogation sans réponse parce que tout ça reste enfermé dans la tête sans jamais sortir par la bouche. Après, ça se lit sur les visages toutes ces questions jamasi posées et c'est que du malheur ou de la tristesse. 

Les rides, c'est rien qu'une boîte à questions pas posées qui s'est remplie avec le temps qui s'en va.

[...]

Moi, quand je serai vieux, j'aurai toujours dix ans et je me poserai toutes sortes de questions idiotes et j'aurai pas une seule ride.

 

***

Autobiographie d'une Courgette, Gilles Paris, 2002, 255 pages

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21 mars 2013 4 21 /03 /mars /2013 08:31

livre_2013_03_mazetti_caveau-de-famille.jpgL'histoire : On retrouve Désirée, la bibliothéquaire citadine, et Benny, le paysan campagnard, après la fin de Le Mec de la tombe d'à côté. Leur projet de tentative de faire un bébé en bandoulière, les voilà repartis dans leur amour compliqué...

 

Mon avis : un livre très amusant ! De l'humour, un peu d'acide, une touche d'amertume cachée derrière une bonne humeur parfois un peu forcée. Ce livre est un très bon moment de lecture-détente, qui en profite pour dire deux-trois choses assez justes, en particulier sur la mysogynie ordinaire vis-à-vis des mères. N'y cherchons pas de la "grande littérature", ni même le simple respect des règles de ponctuation (par exemple), c'est juste un simple plaisir très distrayant à ne pas bouder. Racontée par alternance de subjectivités (un coup Benny, un coup Désirée, etc.), on se laisse vraiment bien prendre par l'histoire et le ton de leur aventure quotidienne. Et le dernier chapitre sur le rythme du début d'une journée au foyer est très drôle, et si juste (mais même s'il est court je ne vais pas vous le citer, c'est trop...).

On peut lire ce livre sans avoir lu Le Mec de la tombe d'à côté, et de toute façon, le livre commence par une page de résumé de ce précédent tome, donc ça roule tout seul.

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

incipit : La première nuit, en quittant l'appartement de Désirée je me suis cassé la figure dans l'escalier, et je pense que c'était tant mieux.

 

page 35 : Quand ils sont amoureux, les gens dégringolent à un Q.I. de 72 environ, c'est ma théorie. Assez élevé pour pouvoir aller tous seuls aux toilettes et ne pas se faire arrêter par la police dans la rue, mais trop bas pour qu'on puisse accorder une quelconque confiance dans leur jugement. 

 

page 53 : J'avais l'impression que la seule femme de ma vie à ne pas m'avoir vu comme un crétin, c'était ma mère. Mais elle était peut-être trop gentille pour le dire ouvertement.

 

page 72 : Ce qu'on est obligé de supporter, on peut tout aussi bien apprendre à l'aimer.

 

page 98 : Jusque là j'avais joué le jeu et fait semblant d'être une citadine bouchée. A présent je commençais à comprendre que c'était exactement ce que j'étais.

 

pages 163-164 : A la mi-novembre est arrivé le jour de mon retour à la bibliothèque. J'avais déposé les garçons à la crèche et étais allée en ville dans une voiture bizarrement vide. Je me rappelle le luxe que ce fut de me promener entre les rayons, tranquillement, sans avoir à tourner la tête dans tous les sens comme une chouette pour vérifier où ils étaient. M'asseoir avec le journal pendant la pause déjeuner... aller aux toilettes toute seule... déjeuner avec mes collègues et parler avec eux sans être dérangée...

Bref : il n'y a rien de plus stressant qu'être parent d'enfants en bas âge. Si, peut-être travailler dans la tour de contrôle d'un aéroport international. Avec du brouillard et l'espace aérien rempli de jumbo-jets. Mais même les aiguilleurs du ciel rentrent chez eux prendre du repos pendant quelques heures.

On ne sait pas cela quand on décide d'avoir des enfants, et tant mieux. Parce qu'on ne sait pas non plus qu'on est tous capables d'un tel amour inouï, on n'y est pas préparé. Subitement grâce à eux, la vie prend toutes ses dimensions.

 

page 211 : Quoique, en général nous n'avions même pas les moyens d'acheter quoi que ce soit par pack familial, nous vivions au jour le jour, surtout à la fin du mois. C'est cher d'être pauvre !

 

page 214 : Je trouvais que j'avais vraiment fait quelque chose de bien de ma vie ! La ferme n'était pas encore en faillite, rien que ça !

 

page 220 : Si on a trois gamins chiants, on pense qu'on les aura encore dans dix ans. Mais alors on aura trois ados imbuvables qui refusent qu'on s'occupe d'eux et ensuite on n'a même plus ça ! 

 

***

Le Caveau de famille, Katarina Mazetti, (titre original : Familjegraven), traduit du suédois par Lena Grumbach, 2011, 238 pages

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17 mars 2013 7 17 /03 /mars /2013 10:15

livre_2013_03_bourdin_sans-regrets.jpgL'histoire : Richard est marié, père d'une fillette, et heureux propriétaire d'un hôtel écologique en Touraine. Mais il vit avec la culpabilité d'un drame et le regret d'un amour de jeunesse brutalement arrêté par ce drame. Alors quand il re-croise la femme de cet amour perdu, et qu'il se rend compte que leurs sentiments et désirs sont restés intacts depuis 15 ans, forcément, ça le perturbe... Et d'autant plus que la femme de cet amour de jeunesse est, elle, déterminée à poursuivre leur histoire laissée inachevée... Pris entre deux choix possibles très différents, Richard saura-t-il y voir clair ?

 

Mon avis : décidément, Françoise Bourdin est une conteuse hors pair ! J'ai trouvé le premier chapitre gnan-gnan, et dès le deuxième j'ai été happée, et ai ensuite dévoré ce livre. Comme l'historie d'amour de deux amis, on écoute ce récit en ayant envie de donner des conseils, et en sachant pertinemment que c'est inutile, que certaines choses ont besoin d'être vécues, éprouvées, traversées. Les personnages sont très crédibles, consistants, leurs émotions sont évidentes, naturelles, humaines. Et on peut tous comprendre les tiraillements des uns et des autres, les émotions contradictoires, les culpabilités, l'envie de vivre passionnément à n'importe quel prix, tout comme celle d'un bonheur paisible. 

 

Merci à Pyrouette qui m'a donné envie de lire ce livre, et dont je trouve toujours la critique de ce même livre (clic) très juste.

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits... (d'autres extraits très parlants chez Pyrouette)

 

incipit : Trop ému et trop distrait pour écouter la lecture de l'acte, Richard essayait d egarder les yeux rivés sur son stylo, posé en travers d'une feuille devant lui.

 

page 113, qui résume bien le livre : "Qu'est-ce que je veux vraiment ?"

Il pouvait poursuivre une route sans joie aux côtés de Jeanne, avec la conscience tranquille et de lancinants regrets. "Comme un cheval de labour avec ses oeillères, qui finit par mourir à la tâche au bout d'un sillon."

Ou alors, il pouvait reconquérir Isabelle, en espérant que l'exaltation de l'amour fasse taire ses remords. "Jusqu'à quand ? Peut-on être heureux en ayant trahi ?"

 

page 301, une sorte de conclusion : "Mon Dieu, comment ai-je pu lui faire ça ? Le désir ne rend pas seulement idiot, ça rend aussi cruel, menteur et lâche." 

 

***

Sans regrets, Françoise Bourdin, 2009, 314 pages

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10 mars 2013 7 10 /03 /mars /2013 10:28

livre_2013_03_musso_fille-de-papier.jpgL'histoire : Tom Boyd, auteur à succès de littérature populaire, est très déprimé par sa rupture avec Aurore, une célèbre pianiste. Il se laisse couler, et ses amis d'enfance Carole et Milo, n'y peuvent pas grand chose malgré leurs efforts. Et puis un jour, une femme apparaît tout soudain dans son appartement, elle dit s'appeler Billie et être une héroïne d'un de ses romans, tombée d'un exemplaire mal imprimé...

 

Mon avis : un roman très agréable à lire ! Comme toujours, l'écriture de Guillaume Musso est un régal, à la fois fluide, rapide, simple sans être simpliste, soignée, moderne, et super bien construite. Ici, il y a un côté assez narcissique amusant, puisqu'il s'agit d'une histoire d'écrivain, et même si ça ouvre des pistes évidentes pour le scenario, ça reste un vrai plaisir de voir se dérouler l'histoire, plutôt originale. On s'attache très vite aux personnages, à leur passé, même si tout est un peu trop "facile" dans ce qui leur arrive pour être totalement vraissemblable, on a envie d'y croire, de suivre, de rêver avec eux... Et c'est bien là l'essentiel du plaisir ! 

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

incipit : Le "trilogie des Anges" fascine l'Amérique.

Cette histoire d'amour impossible entre une jeune femme et son ange gardien est le succès littéraire de l'année.

 

page 119 : Comment pouvait-on autant souffrance sans avoir de blessures physiques ?

 

page 197 : - Dans la vraie vie, tout a plus de goût et de chair. Et ça ne se limite pas à la nourriture. L'air a plus d'oxygène, les paysages débordent de couleurs qui donnent envie de s'émerveiller à tout moment. Le monde de la fiction est tellement terne...

- Le monde de la fiction est terne ? C'est pourtant l'inverse que j'entends ! La plupart des gens lisent des romans justement pour s'évader de la réalité.

 

page 206 : Et puis, sérieusement, Tom, lâchez un peu la bride parfois. Soyez moins inquiet. Laissez la vie vous faire du bien au lieu de toujours la redouter.

 

page 255 : Au fond, je crois que ça n'est rien d'uatre que ça, l'amour : l'envie de vivre les chose sà deux, en s'enrichissant des différences de l'autre.

 

page 310 : Un livre ne prend corps que par la lecture. C'est le lecteur qui lui donne vie, en composant des images qui vont créer un monde imaginaire dans lequel évoluent les personnages.

 

page 332 : S'il avait fallu recommencer, aurait-elle changé quelque chose à sa vie ? Elle chassa cette interrogation de sa tête. Cette question n'avait aucun sens. La vie n'était pas un jeu vidéo avec un nombre de choix multiples. Le temps passe et on passe avec lui, faisant le plus souvent ce qu'on peut plutôt que ce qu'on veut. Le destin fait le reste et la chance vient mettre son grain de sel dans tout ça. C'est tout.

 

page 338 : D'où vient votre inspiration ? C'était la quesiton classique, celle qui revenait le plus souvent dans la bouche des lecteurs et des journalistes, et, honnêtement, je n'avais jamais été capable de répondre sérieusement à cette question. L'écriture impliquait une vie ascétique : noircir quatre pages par jour me prenait une quinzaine d'heures. Il n'y avait pas de magie, pas de secret, pas de recette : il fallait juste me couper du monde, m'asseoir à un bureau, mettre mes écouteurs, y déverser de la musique classique ou du jazz et prévoir un stock important de capsules de café. Parfois, dans les bons jours, un cercle vertueux se mettait en place qui pouvait me faire écrire d'un jet une bonne dizaine de pages. Dans ces périodes bénies, j'arrivais à me persuader que les histoires préexistaient quelque part dans le ciel et que la voix d'un ange venait me dicter ce que je devais écrire, mais ces moments étaient rares et la simple perspective de rédiger cinq cents pages en quelques semaines me paraissait tout bonnement impossible.

 

page 371 : A bientôt cinquante ans, il avait eu une vie relativement riche qui lui avait apporté des satisfactions : il avait voyagé, vécu de son art, connu le succès. Mais à bien y réfléchir, il n'avait rien connu de plus intense que cette magie des débuts, lorsque la vie était encore pleine de promesses et de sérénité.

 

page 465 : Certaines personnes pouvaient faire ça : recommencer leur vie. Moi, je ne savais que continuer la mienne.

 

***

J'ai appris : Angelenos (page 61 entre autres), nom donné aux habitants de Los Angeles.

***

La Fille de papier, Guillaume Musso, 2010, 475 pages

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12 février 2013 2 12 /02 /février /2013 08:43

livre_dodeller_leonard-de-vinci-artiste-vous-rigolez.jpgL'histoire : biographie complète de Léonard de Vinci, entrecoupée de tableaux et de dessins expliqués sous un angle particulier qu'on vient d'aborder dans la biographie.

 

Mon avis : un excellent bouquin ! La biographie est racontée, et non romancée, ce que j'ai trouvé extrêmement agréable. Je n'aime pas beaucoup les biographies romancées, qui privilégient généralement la démagogie sur la vérité historique, et qui du coup nous imposent de manière très émotionnelle la vision de l'auteur au lieu de nous laisser nous faire la nôtre et distinguer nous-même ce qui relève de l'avis de l'auteur et ce qui relève de la réalité historique... mais bon c'est juste mon avis. D'ailleurs c'est pour ça que je ne lis pas souvent de biographies, alors que quand c'est bien fait comme ici, que ça n'est quasi pas romancé mais juste raconté, et très bien raconté, j'adore ça.

Et puis le fait qu'il y ait comme des "pauses" avec les explications sur certaines oeuvres ou croquis, c'est très agréable. Un seul bémol : la qualité des photos de peintures, vraiment pas terrible (pour les dessins ça va).

L'écriture, très fluide, est assez simple sans être simpliste, un grand enfant ou un ado peuvent facilement lire ce livre, et y prendre plaisir. Pour ma part, j'y ai appris pas mal de choses sur Léonard, sa vie privée, son rapport à son oeuvre, j'aurai maintenant aussi un autre regard sur certaines peintures. Je me suis vraiment régalée !

Un livre que je vous recommande grandement si le sujet vous intéresse =^.^=

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

incipit : L'ENFANT DE VINCI

1452-1466

Vous est-il déjà arrivé de faire des ronds dans l'eau ?

 

page 24 (clic pour agrandir) :

livre_dodeller_leonard-de-vinci-artiste-vous-rigolez_extrai.JPG

 

page 109 :

livre_dodeller_leonard-de-vinci-artiste-vous-rigol-copie-1.JPG

 

page 119 :

livre_dodeller_leonard-de-vinci-artiste-vous-rigol-copie-2.JPG

 

page 120 : Le divin Léonard est aussi un diable d'homme...

***

J'ai appris...

spéculaire (p21 et suivantes : Il s'en débrouille en adoptant une forme d'écriture qui vient naturellement aux gauchers non contrariés, l'écriture spéculaire).

Robert me dit : adj. didac. 1.qui réfléchit la lumière comme un miroir, 2.d'un miroir. Image spéculaire.

***

Léonard de Vinci. Artiste ? Vous rigolez., Sylvie Dodeller, 2010, 153 pages

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1 février 2013 5 01 /02 /février /2013 17:01

livre_2013_01_vinau_ici-ca-va.jpgL'histoire : le narrateur et sa compagne Ema, jusque là citadins, s'installent dans une maison à la campagne, au fond du jardind e laquelle coule une rivière. Cette maison, le narrateur y a vécu enfant, à un âge dont il n'a pas de souvenir ou si peu... Il a besoin de revivre sereinement, de se poser, de savourer la vie, de dénicher les émotions de l'enfant qu'il était, émotions qui sont restées là, dans cette maison... Par très courtes touches très sensorielles, nous allons partager un moment de sa vie...

 

Mon avis : lent, délicat, sans cesse sur le souffle de phrases très courtes, suspendu comme une toile d'araignée sous la rosée, à l'apparence si fragile, ce livre se savoure comme le narrateur savoure sa nouvelle vie qu'il sait si bien nous faire partager sans tout à fait la dévoiler, sans vraiment la raconter, et surtout sans s'alourdir de circonvolutions psychologiques lourdasses et inutiles. Un plaisir délicat, dont profiter tout de suite, sur lequel j'ai eu envie, à plusieurs reprises, de revenir en arrière, prendre une page au hasard, la relire, sentir la nature, l'effleurement d'une émotion. Un très joli tout petit livre !

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

incipit : Ici ça va. La maison n'est pas toute neuve mais elle est propre et les plafonds sont hauts.

 

page 37 : Nous sommes particulièrement complices en ce moment. Nous en étions presque réduits à devenir des voisins avec ses horaires compliqués, ses cours de peinture le soir. Mon travail de la journée. Je passais plus de temps avec la télévision qu'avec elle. Quand elle arrivait, j'étais déjà fermé, vide. Je n'avais rien à partager. Ici, nous pouvons ne pas échanger un seul mot de toute l'après-midi, et pourtant nous partageons.

 

page 47 : Les vrais ignorants ignorent leur ignorance. C'est un peu comme voir le paysage par une petite, petite, toute petite fenêtre. Et finir par croire que ce paysage se limite à ce qu'on perçoit par cette petite, petite, toute petite fenêtre. Au lieu d'essayer d'élargir la fenêtre. De casser les murs.

 

page 53 : Ca faisait un moment que nous n'écoutions plus les infos. Je n'ai pas réussi à aller jusqu'au bout. J'ai eu l'impression d'être sosu les dents d'un vampire. De me vider inexorablement de mes forces.

 

page 54 : Je me méfie. J'ai toujours peur que ça ne dure pas. Dès qu'il y a un moment de bonheur, de paix, je me répète que ça ne durera pas. Que le temps est un menteur. Qu'avoir quelque chose c'est commencer à le perdre.

 

page 57 : Tous les enfants ont droit à une certaine dose de merveilleux.

 

page 66 : Tout à l'heure je suis allée à la pharmacie du village. Les enfants sortaient de l'école. Leurs cris remplissaient tout l'espace. Tout le ciel. Devant moi une petite fille racontait l'histoire d'un lapin à lunette qui ne veut pas aller se coucher. Je ne suis pas entré dans la pharmacie. Je les ai suivis tranquillement jusqu'à la fin de l'histoire. Du cou pje me suis retrouvé à la boulangerie. 

 

page 107 : Et cette petite fille ressemble à un orage dans une boîte à musique.

 

page 108 : En rentrant je me suis dit que ça serait beau de pouvoir se prêter des souvenirs. 

 

***

j'ai appris...

 

page 104 : épamprer (Bientôt je retournerai avec le vieux pour épamprer la vigne)

débarrasser une vigne des pampres, des feuilles inutiles qui nuisent au développement des fruits (source : le-dictionnaire.com)

 

page 126 : ripisylve (Une immense barrière ripisylve nous séparait des flots)

ensemble des formations boisées, buissonnantes et herbacées présentes sur les rives d'un cours d'eau (source : wikipedia)

 

***

Ici ça va, Thomas Vinau, 2012, 136 pages

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23 décembre 2012 7 23 /12 /décembre /2012 20:40

livre_2012_12_joyce_la-lettre-qui-allait-changer-le-destin.jpgL'histoire : Harold Fry, 65 ans ramollis, est un retraité dont la plus grande occupation est de tondre la pelouse. Retraite morne, comme une attente interminable, en compagnie de son épouse Maureen, dans un quartier résidentiel, sous une chape de non-dits et de reproches à peine larvés. Un peu ordinaire, un peu triste, un peu ennuyeux... Un jour, il reçoit une lettre d'une ancienne collègue qui lui annonce être en phase terminale d'un cancer. Bouleversé de cette intrusion du passé, il rédige une laconique réponse, et sort la poster. Passe devant la boîte, puis la suivante, puis la suivante, Harold marche... Rapidement, il décide de continuer à marcher ainsi jusqu'à Berwick-upon-Tweed, où se trouve cette ancienne collègue, à environ 1000 km au nord... Une marche qui lui donnera l'occasion de réfléchir, revenir sur sa vie, faire une sorte de bilan plutôt contrit, nous faisant au passage nombre de révélations, et poussera également son épouse, restée seule chez eux, à faire ce même bilan solitaire de son côté, comme si ces solitudes permettaient de se voir enfin de face, sans masque et sans leurre mais avec force remords et tristesse. 

 

Mon avis : un bon roman. J'ai eu un peu de mal au début, car malgré la maîtrise d'écriture évidente (pas forcément littéraire), il manquait quelque chose, un élan spontané, une chaleur, un emportement qui aurait dû y être mais ne venait pas. Emotions violentes un peu plaquées, un peu ordinaires. Difficile à expliquer... Puis bon, l'histoire est prenante, très dans l'air du temps, "retour au fondamental humain naturel" idéalisé, on se laisse emporter par ce côté-là plus que par la passion toujours absente, comme anesthésiée (et c'est une façon de faire qui peut se défendre vu l'histoire, mais pas avec ce narrateur omniscient, un truc ne colle pas). Pourtant, l'histoire, les révélations remontées du passé comme des bulles aériennes ou étouffantes, la fin terriblement émouvante, tout cela l'emporte largement. Et puis vers le milieu, c'est le débordement, on plonge ! Les gens rencontrés, l'emballement à vous dégoûter de notre société, une sorte de rythme s'installe et on marche, on marche... presque sur un seul souffle, et on se demande avec Harold si on arrivera au bout, et dans quel état... 

Donc j'ai aimé, pris plutôt du plaisir à le lire, et en même temps, si vous n'aimez pas les poncifs et les bons sentiments un peu faciles, attendus et très formatés, lisez autre chose...

 

*** 

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

incipit : La lettre qui devait tout changer arriva un mardi.

 

page 27 : Certains conducteurs étaient seuls dans le véhicule, et il se dit que c'était sans doute des employés de bureau, car l'expression de leur visage était figée, comme si toute joie en avait été extraite. D'autres étaient des mères de famille avec leurs enfants, et elles avaient l'air tout aussi las. Même les couples du même âge que le sien avaient une attitude rigide.

 

page 57 : Peut-être voyait-on autre chose que le paysage quand on descendait de sa voiture et qu'on se servait de ses pieds.

 

page 65 : - On pourrait croire que marcher, c'est simple comme bonjour, dit-elle enfin. Qu'il suffit de mettre un pied devant l'autre. Mais je suis toujours étonnée de voir à quel point les choses censées être instinctives sont en fait difficiles.
Elle humecta sa lèvre inférieure avec sa langue en réfléchissant à la suite.

- Manger, reprit-elle enfin. Pour certaines personnes, c'est un problème. Parler, également. Et même aimer. Tout ça peut être difficile.

Elle ne regardait pas Harold, mais le jardin.

- Dormir, dit-il.

 

page 87 : Pourquoi fallait-il que c esouvenir lui revienne ?

Il courba le dos et força l'allure, comme s'il s'éloignait de lui-même au lie ud'aller vers Queenie.

 

page 102 : Il chercha à retrouver sous ses pieds quelques traces de la terre, mais le macadam et le spavés étaient partout. Tout l'inquiétait. La circulation. Les bâtiments. Les gens se bousculaient en vociférant dans leur téléphone. Il souriait à chacun et c'était épuisant de s'adresser à autant de visages étrangers.

 

page 161 : Il avait toujours été trop anglais ; autrement dit, il se trouvait ordinaire. Manquant de relief. Les autres connaissaient des histoires intéressantes ou avaient des questions à poser. Il n'aimait pas poser des questions, parce qu'il n'aimait pas offenser. Il mettait chaque jour une cravate, mais il se demandait parfois s'il ne s'accrochait pas à un ordre ou à un ensemble de règles qui n'avaient jamais vraiment existé.

 

page 166 : Il savait qu'il n'avait rien à craindre pour ses confidences. Cela avait été pareil avec Queenie. Il était sûr que s'il lui disait des choses dans la voiture, elle les garderait au chuad parmi ses pensées, sans porter de jugement ni s'en servir contre lui à l'avenir. Il supposait que c'était ça, l'amitié, et il regrettait de s'en être apssé pendant tant d'années.

 

page 172 : Une vie sans amour n'étiat pas une vie.

 

page 188 : Il ne pensait plus à rien, du moins à rien qui fût en relation avec les mots. il était, tout simplement.

 

page 226 : Mais c'est peut-être de cela que le monde a besoin. Moins de raison et plus de foi.

 

page 231 : Toutes deux l'avaient accueilli et réconforté, même quand il avait eu des scrupules à accepter, et par le fait même d'accepter il avait appris que recevoir était tout autant un don que donner, car cela nécessitait à la fois du courage et de l'humilité.

 

page 236 : Il pensait à ce monde qu'il avait à moitié oublié, celui des maisons, des rues et des voitures, où des gens mangeaient trois fois par jour, dormaient la nuit et se tenaient mutuellement compagnie. Il était heureux de les savoir en sécurité et tout aussi heureux d'être enfin en dehors d'eux.

 

pages 244-245 : Ma tête sait bien qu'elle est décédée, mais je continnue à la chercher. La seule différence, c'est que je me suis habitué à la souffrance. C'est comme de découvrir un énorme trou dans le sol. Au début, on oublie qu'il est là et on tombe tout le temps dedans. Et puis, au bout d'un moment, il n'a pas disparu, mais on apprend à le contourner.

 

page 248 : Quand on s'arrête et qu'on écoute, on n'a pas de raison d'avoir peur de qui que ce soit, Maureen.

 

page 360 : Maureen repensa aux vagues et au fait qu'une vie pouvait recommencer tant qu'elle n'était pas allée à son terme. 

 

***

La Lettre qui allait changer le destin d'Harold Fry arriva le mardi..., Rachel Joyce, 2012, traduction Marie-France Girod, 364 pages

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8 décembre 2012 6 08 /12 /décembre /2012 06:34

livre_2012_12_buck_vent-est-vent-ouest.jpgL'histoire : Kwei-Lan a toujours vécu selon la tradition. Elle a été élevée pour devenir une épouse modèle à la chinoise, ses pieds sont minuscules, elle est prête à prendre pour seigneur son futur mari qu'elle ne connaît pas, elle connaît les bonnes manières et les lois des Ancêtres... Sauf que son mari, lui, a fait ses études en Occident, et opté pour le mode de vie occidental, ce qui est un mystère pour Kwei-Lan. Et puis son frère aussi partira étudier en Occident... 

 

Mon avis : un livre qui mérite son excellente réputation ! A travers l'histoire singulière de cette famille, c'est tout le glissement de la Chine Ancestrale vers la Chine moderne occidentalisée que Pearl Buck nous propose de toucher du doigt, comme de l'intérieur, et sans jugement, même si bien sûr beaucoup de choses qui sont impressionnantes pour nous sont soulignées. Je me suis régalée de ce livre très juste et délicat. Mais qu'on ne s'y trompe pas : derrière une apparence toute feutrée, élégante comme une bienséance et finement écrite et traduite, le choc des cultures est d'une violence inouïe, et c'est justement ce paradoxe et ce contraste que Pearl Buck réussit à merveille à nous faire saisir. En plus, j'ai appris quelques détails que j'ignorais sur la Chine ancestrale, et j'ai trouvé ça passionnant, alors que ce sujet est habituellement très éloigné de mes intérêts.

En bref : un formidable petit livre rapidement lu, sans longueurs, sans fioritures, très percutant, et une belle analyse romancée d'un changement culturel majeur.

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

incipit : Je puis vous raconter ces choses, à vous, ma soeur.

 

page 33 : Son égale ! Mais comment ? Ne suis-je pas sa femme ? Quel autre que lui pourrait me diriger ? N'est-il pas mon maître par la loi ? Perosnne ne me l'a imposé. Que ferais-je donc si je ne me mariais pas ? Et si je me marie il faut que cela se passe ainsi que mes parents l'ont décidé ; je ne puis épouser que celui à qui j'ai été fiancée toute ma vie ! Il n'y a rien là qui soit en dehors de nos coutumes. Je ne vois pas où la force intervient.

 

page 37 : "Mon premier désir n'est pas d'avoir des fils. Je veux produire des fruits de mon cerveau pour le bien de mon pays. Un simple chien peut peupler la terre des fruits de son corps."

 

page 45 : Les médecins étrangers comprennent les maladies des leurs, qui sont des gens tout à fait simples et barbares en comparaison des Chinois, extrêmement compliqués et cultivés. 

 

page 67 : La porte d'ouvrit brussquement de l'intérieur, et un grand diable étranger se tint devant nous, avec un sourire à travers toute sa laide figure. Je reconnus que c'était un homme, à ce qu'il portait des vêtements semblables à ceux de mon mari. Mais, à ma grande horreur, au lieu d'avoir des cheveux humains noirs et plats, comme ceux de tout le monde, son crâne était recouvert d'une laine rouge et mousseuse. Ses yeux ressemblaient à des cailloux lavés par la mer, et son nez s'élevait en montagne au milieu de son visage. Oh ! c'était un être affreux à voir. Plus hideux que le dieu du Nord à l'entrée des Temples.

 

page 108 : C'est mon mari qui a opéré en moi ce changement, si bien que j'ose, en dépit de ma frayeur, plaider contre mes ancêtres en faveur de l'amour.

 

page 113 : Mon frère d'agite à voir les jours se succéder sans amener aucune décision. Il s'est pénétré de l'impatience de l'Ouest et veut que ses désirs soient immédiatement satisfaits. Il a oublié que, dans notre pays, la durée ne compte pas et que le destin peut demeurer inconnu, même après la mort. Ici, aucune hâte n'arrive à précipiter le temps.

 

page 115 : "J'ai contemplé la beauté de la terre qui a donné son grain. Dans le magasin de la rue principale, on a exposé des petits paniers de vannerie brune, remplis de grains de couleur merveilleuse : du maïs jaune, des haricots rouges, des pois secs gris, du sésame ivoire, des fèves pâles, de la couleur du miel, du blé roux, des haricots verts... Je passe toujours lentement devant cet étalage. Quel pastel je ferais, si je pouvais y tremper mon crayon !"

Je ne comprends pas ce qu'elle voulait dire. Mais elle ets ainsi, vivant en elle-même, voyant de la beauté où d'autres n'en trouvent point. Je n'avais jamais songé à un magasin de graines dans ce sens-là. il est certain que ces graines sont multicolores, mais c'est naturel. Personne n'y a rien changé. pourquoi s'en étonner, puisque cela a toujours été ainsi ?

 

page 119  : Ce sont des jours cruels pour les vieux ; aucun compromis n'est possible entre eux et les jeunes : ils sont aussi nettement divisés que si un couperet neuf avait tranché la branche d'un arbre.

 

***

Vent d'Est, vent d'Ouest (East Wind, West Wind), Pearl Buck, 1931, traduction de Germaine Delamain, 154 pages

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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 13:25

livre_2012_11_gestern_eux-sur-la-photo.jpgL'histoire : en février 2007, Hélène a passé une annonce dans Libé, à propos d'une photo qu'elle a trouvée. Y figurent sa mère et deux hommes, avec des noms abrégés. Elle n'a pas connu sa mère, on ne lui en a pas parlé ; elle aimerait savoir, mais ceux qui pourraient la renseigner sont morts ou pas en état de communiquer, alors elle a passé cette annonce. Le livre démarre quand Stéphane Crüsten lui répond, depuis Ashford ; son père figure sur la photo. Commence alors une passionnante correspondance (par courrier postal et courriel) et une enquête à deux sur les traces du passé...

 

Mon avis : mon coup de coeur de l'année ! Je me suis totalement régalée ! Histoire prenante, très bien racontée sous forme épistolaire où s'intercalent des courtes descriptions de photo ou des lettres anciennes, avec un changement de style patent et pourtant subtil à chaque fois, une belle performance de plume ! Ecriture vive et posée, ultra léchée sans perdre de sa légèreté. Transcription parfaite de la façon dont tournent, évoluent et se rédigent les correspondances, tant postales que courrielles. Les émotions, omniprésentes, sont pourtant pudiques, ne se disent pas, ne s'étalent pas ni ne s'auto-analysent en long en large et en travers comme c'est la mode aujourd'hui. Résultat : on ressent bien plus fortement chaque sentiment, on l'accompagne parce qu'il ne se donne pas à comprendre en pâture, ne quémande rien, mais se laisse deviner à demi-mots, dans toute sa violence cachée. Double effet : les personnages sont d'une rare consistance, leurs personnalités totalement crédibles. Et l'histoire, simple et presque ordinaire, devient très belle pusiqu'elle est vécue de l'intérieur. 

En bref : une histoire humaine bouleversante, des descriptions à couper le souffle par leur concision. Donc je recommande ce roman, belle histoire, belle écriture, une petite merveille, vraiment ! Une très belle nouvelle plume, habile et légère, j'ai presque envie de dire virtuose s'il n'y avait quelques maladresses dérisoires (je pinaille alors que le souci de perfection est hors sujet puisqu'on est dans l'épistolaire).

Auteure dont j'attendrai avec impatience le prochain roman, La Part du feu, qui doit sortir en janvier 2013 !

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits... (j'ai eu du mal à réunir quelques extraits tant j'ai été happée par l'histoire, la proximité des personnages, comme pour vivre dans leur vie le temps d'un livre... et puis pas facile de choisir sans trop révéler de l'histoire et de son dénouement...)

 

incipit : La photographie a fixé pour toujours trois silhouettes en plein soleil, deux hommes et une femme.

 

page 111 : Le ciel est couvert, mais le soleil a gardé suffisamment de puissance pour transpercer la couche dense des nuages. Ils diffractent une série de rayons obliques, visible sà l'oeil nu, qui terminent leur course lente à la surface de l'eau. Cette lumière de quatre heures de l'après-midi, de réflexion en réflexion, nappe d'argent liquide la masse de la marée descendante, qui décrit des cercles de plus en plus nonchalants, laissant échoués sur le sable humide de menus débris minéraux, algues, coquillages. Le recul des eaux n'empêche pas la mer d'étaler son opulence tranquille, rythmée par la crête des petites vagues qui strient son étendue de lignes parallèles. La plage est désertée.

 

page 187 : Le chat, cette parenthèse entropique, cette masse inoffensive et affectueuse, qui rappelle pourtant que tout équilibre n'existe que dans l'hypothèse de sa rupture.

 

page 226 : Mais je sais aussi, privilège de la vieillesse, que la haine est un poison qui se retourne toujours contre celui qui l'éprouve, Michel en a fait l'amère expérience.

 

page 232 : Boris, qui a eu un grand-père compromis dans une obscure affaire de délation politique, me dit que, dans bien des cas, au contraire de ce que l'on pense, savoir ets plus cruel qu'imaginer.

 

page 233 : Natacha a déjà commencé à se dissoudre dans l'oubli. [...] Je suis entre deux eaux : une part de moi veut clore l'enquête, l'autre n'est pas encore prête à rendre ma mère à l'amnésie du monde.

 

page 250 : "Tu vois, Jean, tu mets des enfants au monde, tu te bats pour eux, tu essaies de les rendre courageux, tu comptes sur eux. Et tu constates, en définitive, que ces hommes dont tu as tenté de faire des êtres droits sont exactement comme nous. Toujours en train de trouver mille et une bonnes raisons de ne pas affronter le désordre qu'ils ont semé."

 

page 252 : Parfois, j'aimerais que rien de tout ceci ne soit arrivé, que la vie redevienne comme avant, comme l'été 70 à Interlaken. Mais cette insouciance ne nous sera pas rendue.

 

page 259 : Elle aimait la vie, plus et mieux que les autres, mais la vie l'avait éteinte à bas bruit, avant de la décevoir pour de bon, et de la trahir.

 

***

Eux sur la photo, Hélène Gestern, 2011, 274 pages

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