L'histoire : Jocelyne Guerbette rêvait d'un prince charmant sur un cheval
blanc qui l'aurait trouvée belle et d'être styliste à Paris. A 47 ans, elle est mariée depuis plus de 25 ans à Jocelyn, qui a parfois été brutal, violent avec elle, rarement sympa, ils ont eu
deux enfants qui vivent leur vie ailleurs mantenant, elle est mercière à Arras, tient un blog à succès. Et elle aime bien sa vie. Un jour, ses copines jumelles qui tiennent le salon à côté de la
mercerie l'incitent à jouer au loto. Elle gagne. Le gros lot. Mais ne le dit pas. Démarre alors une longue réflexion... Que faire de ce chèque ? Mais un évènement inattendu va faire basculer la
réflexion avant qu'elle ait trouvé une réponse ferme...
Mon avis : un régal ! J'avais entendu parler de ce livre un dimanche matin sur Inter, les avis de libraires m'avaient vraiment tapé dans l'oreille. Du coup, je m'attendais à monts et merveilles, et les 30 premières pages m'ont déçue. Puis, puis, puis... Je me suis complètement laissée happer, et cet engouement est allé crecendo jusqu'à la fin du livre, que j'ai dévoré en 3 jours ! (et pourtant en ce moment le temps calme est une denrée recherchée !) Jocelyne est la blogueuse qu'on croise au détour d'une balade sur les blogs créatifs de chiffons, on lui retrouve cette générosité et cette détermination dans un gant de velours, bref : on croit bien la connaître. Et puis c'est une femme comme les autres, avec une vie normale, avec ses hauts et ses bas, ses coups durs et les branches auxquelles on s'accroche, ses moments de lumière aussi. Et puis Jocelyne, elle, a choisi de voir surtout la lumière, le bon, le bien, d'être compréhensive, aimante coûte que coûte (beaucoup trop à mon sens, si je peux me permettre, m'enfin chacun voit midi à sa porte, comme toujours). Et puis soudain, un pilier s'écroule, vlan, paf, brutal et soudain. Elle tiendra, et deviendra autre... Une fin de roman réaliste, légèrement amère mais pas trop, comme la vie. Vraiment un excellentissime livre, que j'aurais bien envie de reprendre au début, juste pour passer de nouveau un bon petit moment avec un genre de copine et sa vie... Un livre plein de souffle, de frais, de réalité, une grande bouffée de presque vraie vie ! Enthousiasmant !
En plus, franchement, je me suis bien marré un bon nombre de fois, les métaphores émaillant le livre, un peu moqueuses, parfois aussi saugrenues, sont un vrai plaisir ! (comme l'image récurrente du Kevin Costner d'avant les implants...)
Merci maman/Mamikiki pour ce chouette cadeau !
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Feuilletons ensemble quelques extraits...
incipit : On se ment toujours.
page 16 : Nadine est arrivée deux ans après et depuis je n'ai plus jamais retrouvé mon poids idéal. Je suis restée grosse, une sorte de femme enceinte vide, un ballon rempli de rien.
Une bulle d'air.
page 23 : Grâce à elles, je suis ronde mais soignée, manucurée ; je suis au courant des coucheries des uns et des autres, des problèmes de Denise de La Maison du Tablier avec la traîtresse Genièvre de Loos et ses 49° d'alcool, de la retoucheuse de chez Charlet-Fournie qui a pris vingt kilos depuis que son mari s'est entiché du shampooineur de chez Jean-Jac, et nous avons toutes trois l'impression d'être les trois personnes les plus importantes du monde.
Enfin, d'Arras.
De la rue, en tout cas.
page 29 : Les hommes savent les désastres que certains mots déclenchent dans le coeur des filles ; et nous, pauvres idiotes, nous pâmons et tombons dans le piège, excitées qu'un homme nous en ait enfin tendu un.
page 35 : Il n'y a que dans les livres que l'on peut changer de vie. Que l'on peut tout effacer d'un mot. Faire disparaître le poids des choses. Gommer les vilenies et au bout d'une phrase, se retrouver soudain au bout du monde.
page 49 : Je resterai là parce que Jo a besoin de moi et une femme a besoin qu'on ait besoin d'elle.
Le plus beau du monde, il n'a besoin de rien puisqu'il a tout le monde. Il a sa beauté ; et l'irréprescible fringale de toutes celles qui veulent s'en repaître et finiront par le dévorer et le laisseront mort, les os bien sucés, brillants et blancs, dans le fossé de leurs vanités.
Plus tard, j'ai appelé Françoise. Elle va scotcher une petite affichette sur la vitrine de la mercerie. Fermé deux jours pour cause de grippe. Puis j'ai relayé l'information sur mon blog.
Dans l'heure, je reçus cent mails.
On me proposait de tenir la mercerie le temps que mon mari se rétablisse. On me demandait la taille de Jo pour lui tricoter des pulls, des gants, des bonnets. On me demandait si j'avais besoin d'aide, de couvertures ; besoin d'une présence, pour la cuisine, le ménage, une amie pour discuter, faire face à ce mauvais moment. C'était incroyable. Dixdoigtsdor avait ouvert les avnnes d'une gentillesse enfouie, oubliée.
page 60 : Après le désir toujours vient l'ennui.
page 74 : Moi aussi, Jocelyne Guerbette, mercière à Arras, je pourrais dévaliser la boutique Chanel, louer les services d'un chauffeur et me déplacer dans une limousine ; mais pour quoi faire ?
page 95 : Oui, je pense que tout ce qui vient du passé n'est aps dépassé. Faire soi-même possède quelque chose de très beau ; prendre le temps, c'est important. Oui, je pense que tout va trop vite. On parle trop vite. On réfléchit trop vite, quand on réfléchit ! On envoie des mails, des textos sans se relire, on perd l'élégance de l'orthographe, la politesse, le sens des choses.
page 100 : Tu es un merveilleux mari, Jo ; un grand frère, un père, tu es tous les hommes dont une femme peut avoir besoin.
Même son ennemi ; j'en ai peur.
page 101 (elle parle de son corps) : Je me dis que si j'étais riche, je le trouverais moche. Je voudrais tout refaire. Augmentation mammaire. Liposuccion. Abdominoplastie. Plastie brachiale. et peut-être une légère blépharoplastie.
Etre riche, c'est voir tout ce qui est laid puisqu'on a l'arrogance de penser qu'on peut changer les choses. qu'il suffit de payer pour ça.
page 115 : Je suis une femme fidèle. La méchanceté de Jo n'est pas une raison suffisante. Ma solitude n'est pas une raison suffisante.
page 119 : Ca les excite les jumelles les mecs, ils pensent soudain qu'ils ont deux bites.
page 140 : Je possédais ce que l'argent ne pouvait pas acheter mais juste détruire.
Le bonheur.
Mon bonheur, en tout cas.
page 169 : La douleur nous refaçonne toujours d'une curieuse manière.
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Ce que me dit Robert...
exèdre (p.75 : Je remonte l'allée de Diane jusqu'à l'exèdre nord [...]). Bah Robert sèche, il sait pas il connaît pas.
blépharoplastie (p.101, voir citation plus haut) : bléphar(o)- > Elément savant, du grec blepharon "paupière".
paréidolie (p.178 : [...]papa qui regarde la mer et cherche dans les nuages, avec ses yeux d'enfant, des paréidolies [...]) : Robert ne connaît pas non plus. Décidément, Robert n'est pas fort (ou du moins, moins fort que Grégoire...).
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Pas relevé de phôte, un évènement ! Tout au plus une ponctuation que j'aurais parfois vue un peu autrement, mais alors c'est vraiment juste histoire de dire quelque chose vu qu'aussi j'aime beaucoup son usage intensif du point virgule =^.^= ...
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La Liste de mes envies, Grégoire Delacourt, février 2012, 186 pages