L'histoire : amoureux de la fille d'un fermier, le tout jeune Jean-Louis qui se destinait au cinéma décide de reprendre la ferme familiale plutôt que de poursuivre ses études... hum !... Ca n'est pas une vocation... On suivra ensuite comment il ne deviendra finalement pas fermier (y'a des surpris si je dis que la jeune fille tombée amoureuse d'un étudiant intello brillant esprit ne l'est plus autant du même version fermier crotté et cependant raté ?) et fera ses débuts à la télévision, puis se mariera.
Mon avis : un Jean-Louis Fournier pur jus ! Tendre sans mièvrerie, un regard unique, mi-amusé-mi-désespéré, un sujet tout personnel, des chapitres très courts (une demi-page à une page et demie, jamais plus), qui sont plus des pensées jetées en vrac ou des anecdotes qu'une narration. Rien à redire, j'aime toujours autant à chaque fois, même si ça n'est jamais le choc que j'avais eu en lisant Où on va papa. On voit mieux son parcours initial, et on saisit quelques origines, par exemple il parle régulièrement d'une génisse, qui m'a, par bien des côtés, fait penser à la Noireaude...
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Feuilletons ensemble quelques extraits...
incipit : Je suis au milieu d'eux, assis autour de la table devant la télévision.
page 20 : Je leur ai proposé de revenir aux beaux jours.
Je ne risquais pas grand chose. Ici, il n'y a pas beaucoup de beaux jours.
pages 42-43 : Il y a peu de temps encore, on faisait le beurre à la ferme. La fermière faisait un beurre si bon qu'on venait de tous les village alentour lui acheter. Il y avait sur les livres de beurre des décorations en relief, c'étaient soit des vaches, soit des fleurs, ça dépendait du moule. Au printemps, le beurre était jaune, les enfants croyaient que c'était parce que les vaches mangeaient des boutons-d'or ; l'hiver, il était blanc, peut-être parce que les vaches mangeaient de la neige ? En tout cas, elles ne devaient pas manger du lin, le beurre n'était jamais bleu.
page 51 : Je m'endors heureux. Je pense à tous les malheureux qui sont morts avant que Mozart ne naisse. Quel manque de pot.
page 73 : Pourquoi mettre le verbe aimer à tous les temps, à tous les modes, à toutes les sauces ? J'aime Mozart, j'aime ma mère, j'aime les frites... Il ne faut pas s'en servir à tout bout de champ, à l'avoir toujours dans la bouche, il va perdre son goût, comme le chewing-gum.
page 76 :
page 117 : Tout est gris. Le ciel, la mer, le sable, le temps. Comme si la couleur n'existait pas encore.
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Poète et paysan, Jean-Louis Fournier, 2010, 120 pages