Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 janvier 2011 1 24 /01 /janvier /2011 15:03

livre_2011_01_destremau_si_par_hasard.jpgLa famille Costello (Claire 16 ans, Maxime 12 ans et leurs parents Astrid et Jean-Pierre), de Saint-Brieuc, est en vacances aux Etats-Unis. Les parents sont enthousiastes, les enfants sont... adolescents ! Lors d'un jeu avec sa soeur, Max casse le pare-brise de la voiture de location. Ils tirent au dé celui des deux qui se dénoncera, Claire perd. Elle est donc punie, elle n'ira pas à la prochaine excursion, le canyon de l'Antilope. C'est dommage parce que celle-là, elle voulait vraiment la faire... (et je comprends, l'endroit est magnifique, une photo de ce canyon a longtemps été mon fond d'écran...) Pendant leur balade, un très violent orage se lève, et Max, Astrid et Jean-Pierre sont emportés par une coulée de boue. Dans la jours suivants leur mort, Claire, assaillie d'une insupportable culpabilité, décide de fuir plutôt que d'affronter le regard de sa grand-mère chérie, Jeanne, qui arrive de France. Commence alors un road movie aux intonations de voyage initiatique, pendant lequel Claire choisit de s'en remettre au hasard pour guider sa vie, de vivre dans l'action et non plus dans les livres comme elle aimait à le faire précédemment. Ses préoccupations, par la force des choses, deviennent plus graves et fondamentales. Phoenix, Las Vegas, San Francisco, Tokyo formeront entre autres les décors de ses aventures successives, comme des vies entières auxquelles elle s'abandonne.

 

Ce roman est un vrai délice ! L'écriture, formellement très classique, est particulièrement léchée, on sent chaque mot pesé, aimé, exclusivement choisi. Une concision extrême qui n'empêche absolument pas une grande fluidité et un sens du rythme remarquable. Le tout forme un style époustouflant. Qu'on soit dans un moment d'action ou d'attente, tout est juste, à chaque instant les mots accompagnent le récit au plus près ! Résultat, sur l'intégralité du livre, on suit Claire avec entrain, affection, on a envie de lui tendre la main sans pour autant avoir pitié d'elle, et en tout cas elle existe. C'est un plaisir de la voir grandir, s'affirmer, réfléchir, affronter les épreuves, la comprendre. Jusqu'à...

Oui, « jusqu'à », parce que je n'ai pas beaucoup aimé la dernière partie, à la toute fin de l'épisode à Tokyo, qui ressemble à une rêvasserie d'adolescente moderne, notoriété éclair, rêves de gloire musicale, blablabla. Pour toujours bien écrite et structurée qu'elle est, cette partie du récit ne m'a pas un seul instant semblé crédible, sans que j'arrive à définir pour quelles raisons. D'habitude, ça ne me dérange pas que quelque chose ne soit pas crédible, mais ce rêve moderne de faste et de strass me paraît factice, vulgaire, bas de gamme malgré sa très bonne facture, bref : pas du tout à la hauteur du reste du livre et des autres aventures et mésaventures de Claire, à mon goût. D'ailleurs le narrateur (on alterne irrégulièrement entre Claire elle-même et un narrateur extérieur selon les chapitres) ne semble pas dupe du tout non plus, car même le côté absolument superficiel est respecté, dans cette partie, on ne sait plus ce que pense Claire, ce qu'elle ressent, on n'a plus accès qu'au flot d'apparence de sa vie, et cette partie-là aussi fait partie du côté initiatique indispensable à sa maturation, bien entendu... Disons qu'il fallait arriver à une extrémité, d'une manière ou d'une autre, et que cette extrémité-là qu'a choisie l'auteur n'est pas ma préférée.

 

En bref : un livre remarquable que j'ai dévoré avec délectation. Second roman de cet auteur (clic pour aller sur son blog, en oubliant pas de cliquer sur les messages plus anciens en bas de page) que je découvre justement par hasard puisque je l'ai choisi en urgence sur un rayonnage uniquement à cause de son titre, j'espère bien avoir l'occasion d'en croiser d'autres de lui !

 

********

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

Incipit : La voiture roulait le long des serpents de bitume chauffés par le soleil de l'Arizona.

 

page 17 : Pourquoi est-ce que je préfère lire un roman sur le Grand Ouest américain plutôt que m'y promener ? Ca reste un mystère pour moi... Pourquoi ce que je lis a-t-il toujours plus de saveur que ce que je vis ?

 

Page 79 : Je puais de l'intérieur. Je pourrissais, ma faute m'infectait comme un virus, me désignait comme une coupable. Je me décomposais...

 

page 92 : Quand je croise une voiture dans la mesa en allant chercher mon collet, ce ne sont ni mon trajet (pour aller chercher le piège) ni celui de la voiture (suivant une piste) qui sont le fruit du hasard, mais bien la concordance, à huit heures et demie du matin, près du cactus fleuri, de ces deux évènements. Ca n'a l'air de rien, comme ça, mais il est important pour moi de reconnaître ces signes. De ne pas confondre le hasard avec le destin ou l'intuition, la chance avec la providence.

 

Page 93 : Comment aurais-je pu continuer à me lever le matin si je ne croyais pas que d'une façon ou d'une autre, la voie que j'avais choisie permettait d'espérer ? Comment manger, boire, se laver, si je n'apercevais pas au bout du tunnel obscur que je traversais, un fanal pour me guider ?

 

Pages 205-206 : Elle refusait de franchir le pas qui lui ferait dire adieu à l'enfance, à l'adolescence et à ses illusions de liberté. Derrière l'quilibre apparent de sa vie et les satisfactions de toutes sortes qu'elle y trouvait, malgré la disparition de son dédoublement de personnalité, elle s'inquiétait de l'ennui que semblait provoquer le bonheur chez elle, et du sentiment d'absence qui parfois la saisissait, comme une ombre en filigrane dès qu'une activité devenait routinière ou trop prévisible. Dès qu'elle s'installait dans le confort d'une relation ou d'une tâche régulière, elle avait du mal à être entière, à être elle-même face aux autres. Elle ne s'assumait pleinement que dans l'imprévu. L'intensité et l'excès pouvaient parfois faire illusion. Lorsqu'ils étaient serrés l'un contre l'autre, elle croyait déceler dans l'embrasement des sens la preuve qu'elle était toujours livrée au destin, par la surprise sans cesse renouvelée de l'amour. Quand elle jetait toute l'énergie de sa jeunesse dans son travail, souhaitant surprendre et innover jusque dans les tâches les plus simples, elle vibrait d'ambition et d'excitation, et ces élans n'avaient rien à envier aux pulsions des joueurs de roulette. Mais la sagesse ne lui convenait pas. La raison non plus, et quand Dan la suppliait de passer une journée seule avec lui, pour ne rien faire que parler de l'avenir, elle entrait dans une mélancolie qui la laissait vidée.

 

Page 213 : […] choisir c'est cesser d'exister librement […]

 

page 216 (à propos de personnes sans abri avec qui elle passe un moment dans un parc) : Est-ce que je voulais de cette vie ? Bien sûr que non... Mais il y avait quelque chose de fascinant dans cette misère, dans ces destinées bouleversées qui avaient échoué là, au bout du rouleau, et qui tentaient de s'organiser dans la chaos.

 

Page 258 : Le hasard a voulu que je survive. C'est à cela que je me raccroche. Depuis le début. Tout le reste, c'est du vent. Alors... je le respecte, je suis ses injonctions.

 

*****

J'ai appris 2 mots dans ce livre (définitions de mini-Robert) :

 

Homothétie (p.7) : n.f. [-sie] géom. Transformation qui fait correspondre à tout point de l'espace un autre point dans un rapport constant, par rapport à un point fixe.

 

Celée (p.305), de celer : [sǝle; sele] v.tr. Littér. Cacher.

 

*****

Si par Hasard, Jean-Baptiste Destremau, 2009, 315 pages

Partager cet article
Repost0

commentaires

I
<br /> <br /> Noté !<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Merci beaucoup, ta présentation est remarquable et me donne vraiment envie de le lire, je prends note ...<br /> <br /> <br /> Très bonne nuit, je m'en vais lire Russel Banks '' American Darling ''<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
D
<br /> <br /> Ce livre donne envie.....Doudoune, merci.........<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre

Profil

  • Plouf_le_loup

Greenpeace

Recherche

Mon Pinterest

LogoPinterest.png

le site de monsieur Plouf

Ma boutiquette Dawanda

http://s32.dawandastatic.com/User/2097/2097450/full/1318454317-436.jpg

mes messages du moment...

2012 04 27 17 

  aaa-Krishnamurti.jpg    

politique3

politique societe 11406 566323960053809 1567636941 n