Rachel, notre narratrice, est très pieuse, elle a 26 ans, elle vit à Méa Shéarim, Jérusalem. On lui a donné comme époux Nathan, le fils du Rav, il y a 10 ans, elle en est tombée amoureuse dès qu'elle l'a vu, le jour de leurs noces, et cela continue. Mais après 10 ans sans enfant, même en s'aimant, l'homme peut répudier la femme stérile, qui ne permet pas d'offrir au monde une descendance pour quand viendra le Messie. L'homme doit la répudier, qu'il le veuille ou non, c'est la Loi, la coutume.
Même si Rachel osera trangresser certaines Lois pour comprendre pourquoi elle est stérile, elle n'ira pas jusqu'à révéler ce qu'elle a fait, même pour rétablir la vérité (elle n'est pas stérile). Elle acceptera la répudiation, quoi qu'il lui en coûte.
Ce livre très court (125 pages d'écriture confortable) est un bijou de sensbilité. Le ton et le style sont ceux de Rachel, on entend presque ses inflexions, un petit accent particulier, le rythme de sa langue, sa voix posée. On l'entend, elle, du fond de sa sérénité et de son indicible souffrance. La condition de la femme juive et pieuse à l'extrême me heurte profondément et bouscule mes certitudes de femme occidentale, mais pour autant j'apprécie qu'Eliette Abécassis nous offre de comprendre avec simplicité cette femme, avec une empathie remarquable, dans toute sa dimension humaine et universellement féminine, dans ce qu'il y a originellement de commun dans nos cultures. Sans révolte face à son absence de révolte, parce que la révolte serait un jugement, et qu'il serait ici tout à fait déplacé, du moins à l'égard de Rachel.
Un très beau livre de féminité universelle, sensible et pudique.
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Quelques extraits :
page 10 : Ici, chez nous, on ne se marie pas par amour. On se marie grâce à l'entremetteur. L'amour vient après les années de vie partagée, les enfants et tout le quotidien qui tisse des liens entre les êtres. C'est pourquoi je n'avais jamais vu mon mari avant notre mariage.
page 49 : Et on dit que, si la femme allume les bougies du chabbath, c'est pour apporter la lumière dans le coeur de l'histoire.
page 71 : Je ne brûle pas d'avoir un enfant ; je brûle de le faire.
page 80 : L'homme a été créé par Dieu pour étudier, alors quel'intelligence de la femme lui est donnée pour participer indirectement à la vie de la Torah en préparant à manger, en nettoyant sa maison et, surtout, en élevant les enfants. Quelle autre joie y a-t-il pour une femme ?
page 107 : Sans Dieu, l'homme et la femme sont appelés à se consumer l'un l'autre.
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La Répudiée, Eliette Abécassis, 2000, 125 pages